La traduction française de « moat » est : fossé ou douve, expression utilisée il y a quelques années par Warren Buffett pour expliquer sa stratégie et le choix de ses valeurs, en recourant à une définition moyenâgeuse. C’est ainsi qu’une entreprise est assimilée à un château-fort, avec ses douves, ses murailles, ses tours, son donjon qui en principe le rendent inexpugnable. Une de ses valeurs préférées est bien entendu Coca-Cola ; il est quasiment impossible de s’en emparer ou de la détrôner, avec ses immeubles, ses usines, son réseau de transport et même ses singularités qui la rendent unique, comme la couleur rouge de ses emballages. Certes, elle a un concurrent en la personne de Pepsi-Cola, demeurée un éternel second et qui a dû recourir à plus de 20 produits différents pour rester dans la course.
McDonald est du même acabit ; avec ses produits typés, dont certains renouvelés ponctuellement, son réseau de franchises, sa détention d’innombrables immeubles, la société est devenue imprenable, c’est-à-dire en principe non rachetable.
Il ne faut d’ailleurs pas croire que ces « forteresses » aient toujours existé en tant que telles. Il s’agit souvent à l’origine de modestes « hameaux » que les circonstances du temps ont contraint de se fortifier à grand renfort de murailles et de fossés : statutaires, juridiques et souvent familiaux. En Suisse, nous avons eu un bon exemple de 2001 à 2003, avec Roche dont une bonne partie du capital avait été patiemment accumulée par le financier M. Ebner qui par chance, éthique ou opportunisme (qui sait ?) le céda à Novartis. Mise en alerte, et forte de cette expérience traumatisante, la famille Roche s’employa rapidement à bétonner la structure de l’entreprise, notamment par le jeu des droits de vote. A propos de M. Ebner, on peut rappeler qu’il y a une quarantaine d’années, en tant que privé et par ses fonds de placement, il fut temporairement en mesure de maitriser la majorité du marché des actions suisses, grâce à son expérience acquise en catimini des options, calls et puts, instruments virtuellement inconnus à l’époque des grands acteurs financiers, dont les banques. Ses « proies » de l’époque étaient de fragiles forteresses défendues par des murs de fortune ; il fallut donc ce péril pour qu’elles prennent enfin en catastrophe des mesures propres à les défendre plus efficacement contre des balistes destructrices.
A nos frontières, il y a quelques années, la famille Hermès dut aussi consolider ses fortifications dans l’urgence. LVMH avec le concours de maillons faibles de la famille fondatrice et la complicité d’établissements bancaires devenus experts dans le commerce des options et autres dérivés, faillit prendre le contrôle de la société. Il fallut la détermination farouche des membres de cette dernière pour faire échouer la tentative par la création d’une holding cimentée, propre à décourager M. Bernard Arnault qui se résolut à dissoudre sa participation éphémère en redistribuant les titres à ses propres actionnaires.
Notre pays connut des escarmouches sans grande gravité entre deux « châteaux », Nestlé et l’Oréal : elles remontent à près de 50 ans. Les prises de participations croisées fut bénéfiques aux deux partenaires, à la limite, davantage pour la société veveysane en raison du fantastique développement à l’international de l’entreprise de cosmétiques ; d’ailleurs, elles perdurent.
Ce recours à la métaphore médiévale par M. Warren Buffet témoigne d’une vision des investissements que nous partageons à notre modeste échelle. Nous n’investissons pas pour un coup de bourse éphémère et rarement répété, mais dans des entreprises pérennes, avec une vision à long terme et un respect de leurs actionnaires.
Soit dit en passant : notre pays offre une multitude de « perles » de qualité, souvent méconnues. Belimo, (CHF 375.- rendement 2.2%) spécialiste des vannes et des économiseurs d’énergie est l’une d’entre-elles. Présente sur tous les continents, elle n’a qu’un concurrent sérieux : le danois Atlas Copco, mais le monde en expansion est vaste !