Arcade à remettre – Mars 2021

Pour des raisons que tout le monde connait, on n’effectue guère de voyages depuis bientôt près d’une année ;

au vu des reportages suisses et étrangers, on arrive partout au même constat: les rues se désertifient et les vitrines aveugles sont légion. Les commerces dits « non essentiels » ont dû mettre la clef sous la porte dans l’attente d’hypothétiques repreneurs, pour l’instant timorés. Cette évolution n’est cependant pas totalement nouvelle et remonte à près de 20 ans, après le 11 septembre 2001. 

Traumatisés à jamais par la vision des tours jumelles en train de se volatiliser et des nuées de fumées toxiques s’en dégageant et remontant les rues adjacentes, des consommateurs new-yorkais ont remis à jamais leurs projets d’achats classiques pour se tourner vers les commandes en ligne, d’autant plus que la majorité des biens recherchés ont succombé à une standardisation qui rend aisée leur identification ainsi que leur acquisition à distance. 

D’ailleurs, en parcourant une ville, on s’aperçoit que la plupart des gens, et singulièrement les plus jeunes, sont tous habillés de la même façon ; d’autres domaines n’échappent pas à la tendance : même les voitures se ressemblent pratiquement toutes ; idem pour les meubles, les appartements ou les maisons qu’on peut visualiser, voire concevoir au moyen d’un casque de réalité virtuelle. 

Or, sans chalands, les magasins meurent et, sans magasins, le public s’en va. Certes, bien des municipalités ne se sont pas rendues sans combattre ; elles ont entrepris toutes sortes d’initiatives, allant d’animations ponctuelles à la mise à disposition de bons d’achat avec escompte, mais le mouvement est irréversible et tout à l’avantage de petites agglomérations, même d’accès difficile : « Small is beautiful ». 

La cible idéale est devenue une ville de 20’000 habitants, à visage humain, avec son identité, son histoire locale, la proximité de la mer, de la neige ou de la campagne, sans trop de nuisances ou de problèmes de sécurité. Les ventes immobilières en témoignent : les villas de périphérie, les appartements dans les stations de montagne ou balnéaires sont recherchés et voient leurs prix augmenter régulièrement. Rompant avec un mouvement d’abandon datant de plus d’un siècle et demi, les campagnes tiennent enfin leur revanche.

Il va sans dire que cette lente évolution a été exacerbée par le Covid-19 avec un certain nombre de changements de mode de vie du tout-un-chacun. Le plus important d’entre eux est indiscutablement le sentiment d’isolement éprouvé par un pourcentage important de la population qui a subi et subit encore des traumatismes psychiques, preuve en est les agendas pleins à ras-bord des psychiatres et autres psychologues. 

Il ne faut pas se bercer d’illusions : au-delà d’un certain âge, le confinement mal vécu entraînera des séquelles irréparables. Cette catégorie de clientèle acquise est rêvée pour le commerce en ligne, dont la livraison de repas, envers qui elle gardera sa fidélité. Il y a des habitudes dont on ne se départ pas.

Le tourisme sortira ébranlé par la pandémie d’autant plus que cette dernière concerne pour la première fois dans l’histoire l’ensemble de la planète en dehors de quelques îles éparses. Le public va bouder pour longtemps les rassemblements populaires et les voyages à l’étranger, contraignant nombre d’entreprises, dont les compagnies aériennes, à mettre la clef sous la porte bien que la crise que nous traversons doive ouvrir la voie à un changement systémique et une économie plus durable.

Autre évolution qui risque de nous toucher plus intimement, la surveillance accrue des individus par géolocalisation ou caméras de reconnaissance faciale. Ces procédés qui ont permis de lutter avec efficacité contre le Covid-19 à Taiwan et en Corée du Sud, risquent bien de faire tache d’huile, sans parler des systèmes de surveillance qui ont déjà envahi nos parcs et nos rues.

Quant au télétravail évoqué dans une précédente chronique, il risque bon an mal an de s’institutionnaliser au grand dam des possibilités de développement, de cohésion et d’enrichissement professionnel que seul le travail en communauté peut susciter, sans parler des risques de délocalisation, de remplacement des intéressés par du personnel meilleur-marché, voire de disparition des postes concernés. 

Il est évident que compte tenu de ces évolutions, parmi les thèmes d’investissements, les achats en ligne ont connu une croissance exponentielle dans les produits de grande consommation notamment, et d’une façon inopinée, en faveur des imprimantes, fort recherchées pendant le confinement. Des entreprises à mi-chemin entre le luxe et la grande consommation, comme l’Oréal, aux articles chics et réputés, aisément identifiables sur le Net, se sont adaptées quasi instantanément à la situation nouvelle en promouvant efficacement leurs ventes en ligne.

Nos lecteurs le savent : nous privilégions, parmi d’autres, le luxe dans nos investissements ; paradoxalement, il a explosé ; Hermès, par exemple étant le leader 2020 du CAC 40, comme si les acheteurs brimés par leur « confinement » avaient voulu, soit se gâter eux-mêmes, soit favoriser leurs proches. L’industrie pharmaceutique quant à elle, a imperceptiblement souffert, quoique ses résultats doivent bientôt être « boostés » par la vente de vaccins.

Bien sûr, la vie normale reprendra bientôt, mais pas sous une forme de « copier-coller » ; il est fort à parier que les arcades actuellement vides, se tourneront vers des articles moins futiles et éphémères, orientés sur le renouvelable et les nouvelles technologies. 

Dans l’astrologie chinoise, 2020 fut l’année du Rat, pas forcément négative, mais nappée de préjugés. Il a été remplacé par le Buffle de Métal, associé à des marchés porteurs. Le buffle travaille laborieusement à construire avec sang-froid et lucidité vers des horizons lumineux. Souhaitons-lui bonne chance. Qui dit buffle pense à Bull! 

Soit dit en passant : l’Oréal, mentionnée précédemment constitue l’une des positions inamovibles de nos portefeuilles. Rappelons qu’elle est détenue à raison de 27% par Nestlé qui n’effectue pas d’investissements à la légère !