« Rundumfeuer » – Septembre 2020

Il y a peu de gens qui peuvent comprendre la signification de ce germanisme à la consonance barbare, qui trouverait pourtant bien sa place dans un cabaret de Washington, s’ils existent, et dans la bouche d’un chansonnier, s’ils survivent.

Seuls les férus d’histoire militaire peuvent en saisir la portée ; il s’agit d’une mitrailleuse lourde, invention allemande datant de 1944, qui avait la particularité de tourner sur elle-même à 360° et d’« arroser », en détruisant, tout ce qui était à sa portée.

L’adéquation est aisée ; l’échéance du mandat présidentiel s’approchant, on peut commencer à dénombrer les victimes, internes et internationales. Tout le monde y a passé : les gens de gauche bien sûr, les démocrates, c’est normal, les opposants dans le parti républicain, c’est curieux, plus les noirs, les protestataires de tout poil, les gays, sans omettre l’entourage immédiat qui avait osé lever des yeux incrédules, voire inquiets vers le grand orangé, avant d’être expulsé par un tweet rageur.

À l’extérieur, l’hécatombe est encore plus dense : la Chine bien sûr, accusée de tous les maux, dont naturellement le Covid-19, plus des reproches surréalistes relatifs à la concurrence commerciale du pays : pourtant, il suffit de parcourir les rayons d’un grand magasin new yorkais en examinant les rayons pour s’apercevoir qu’une majorité d’articles sont « made in China », mais à qui la faute ? Aux Chinois ou aux entreprises américaines qui ont recouru sciemment et d’une façon totalement antipatriotique, à une main d’œuvre asiatique meilleur marché ?

Parmi les autres victimes de cet ostracisme on trouve le Canada, spectateur proche et dépourvu d’aménité et qui ne s’en laisse pas conter, ou les Européens soi-disant profiteurs. Ne parlons pas des organisations internationales, boucs émissaires idéaux pour expliquer les déconvenues d’outre-Atlantique et sa mise à l’écart, alors que la nouvelle donne du Covid-19 a bouleversé les cartes. En quelques semaines, les Américains se sont réveillés membres d’un Etat devenu défaillant, avec un gouvernement dysfonctionnel et incompétent, largement responsable du taux de mortalité. (la population américaine représente 4% de la mondiale, ses morts du Covid-19, 20%).

Durant deux siècles, les Etats-Unis avaient suscité un vaste éventail disparate de sentiments dans le monde ; amour, crainte, envie, haine ou mépris. Il n’y a qu’une seule émotion qu’ils n’aient jamais engendrée : la pitié, avec son récent corollaire d’attente fébrile de fournitures de base en provenance de Chine ou d’ailleurs. Et pourtant, le pays avait eu son heure de gloire après la deuxième guerre et son fantastique effort de guerre dont on ne parle plus (un Libety ship construit en 4 jours et demi !) S’élabora alors une classe moyenne dynamique, propriétaire d’une maison et d’une voiture, en mesure d’envoyer les enfants dans de bonnes écoles. C’était avant que les disparités économiques béantes et les inégalités sociales deviennent la règle. L’histoire a ses paradoxes. Pratiquement démilitarisés à la veille de la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ne se sont jamais retirés à la suite de la victoire. et n’ont pas connu une journée de paix, à telle enseigne que leurs troupes sont présentes dans plus de 150 pays.

Ce bellicisme s’est importé dans le pays, et il est inutile de revenir sur les assassinats dans les rues ou les universités, sans prendre en compte les milices privées ; mais à quoi s’attendre avec un président qui vit pour cultiver les ressentiments, diaboliser ses adversaires et valider la haine ? Son principal outil de gouvernance est le mensonge ; depuis son accession au pouvoir, le nombre de distorsions verbales et de fausses déclarations dépasse les 20’000 !

Mais où va-t-on ? Dans moins de 100 jours se déroulera (peut-être) l’élection présidentielle avec son système de vote moyenâgeux aux résultats imprévisibles, tant tronqués peuvent-ils être. Espérons qu’il y aura un sursaut sous peine de devoir affronter une autre période de grands malheurs irréparables.

Certes Joe Biden ne suscite pas un très grand enthousiasme : on lui demande simplement de la sérénité, du respect, du bon sens et de l’empathie pour ceux qui souffrent dans leur vie quotidienne. Son choix de Kamala Harris comme colistière est excellent ; il s’agit d’une femme brillante et non pas d’un porte-serviette comme actuellement.

Le fait que le candidat puisse encore compter sur les conseils de son ex-patron est aussi de bon augure. Espérons que la raison l’emportera massivement en novembre, et n’oublions pas que dans la majorité des cas, contrairement à ce l’on suppute, les marchés boursiers ont statistiquement parlant, un meilleur comportement pendant les présidences démocrates que républicaines ; n’en déplaise à qui vous savez.