comme dirait M. Emmanuel Macron, se pose la question de ce qui aura changé dans le monde après ce lourd intervalle. Les exemples dans l’histoire me manquent pas : la peste du 14ème siècle, qui a vu l’abolition de l’esclavage en Europe, la guerre de sécession, celle de ce qui allaient devenir les Etats-Unis ou les congés payés en France qui ont chamboulé la Société haussmannienne ; plus près de nous, 1968, avec la remise en cause intégrale des règles établies, dans les entreprises et dans l’enseignement, bien au delà de ce que les « révolutionnaires » avaient osé espérer. Avec le virus, on va rapidement observer des changements irréversibles, bien que timides dans l’état actuel des choses, avec du positif, mais aussi du négatif. Commençons par ce dernier ; le confinement a contribué à l’explosion du commerce électronique, allant des repas à domicile au rajeunissement d’une garde-robe par commandes en ligne, entraînant une propension à tout entreprendre, acheter, voire, mais rarement, apprendre depuis son domicile. Cette évolution est dangereuse et porte en son sein, une plus grande destruction du tissu social et un renfort de l’autisme professionnel pour les personnes concernées qui se seront habituées à travailler dans un bocal privé, hors de tout contact. Dans le cadre de ces chroniques, nous avons maintes fois souligné le danger que représentait cette évolution du confinement avant la lettre, avec son corollaire de désertification des zones urbaines, de destruction de l’agora, de disparition des commerces de proximité au profit de grandes surfaces et des commandes par Internet. Progressivement, les villes habitées courent le risque de se désertifier au profit de bureaux ou d’agences de banque où le contact humain s’est déjà volatilisé en faveur d’appareils avec, exceptionnellement la faculté de bénéficier d’un contact par vidéoconférence, nonobstant, bien entendu, un rendez-vous préalablement fixé. En outre, ce confinement professionnel comporte en son sein un germe mortel qui commence progressivement d’attaquer certaines entreprises, dont le seul objectif, ou plutôt celui de ses dirigeants en quête d’un bonus bien gras, est la recherche du profit à tout prix. Ces prédateurs découvrent tout à coup que l’Enterprise peut apparemment fonctionner sans des locaux coûteux, des parcs de machines, des polices d’assurances, des réfectoires ou des parkings etc. rendant impossibles les contacts, les échanges professionnels ou privés, aboutissant ainsi à la création de ruches virtuelles, aseptisées et cloisonnées, dont chaque ouvrière suivra son bout de chemin en ignorant les autres. Sans vouloir jouer les cartes apocalyptiques, on n’ose imaginer ce que deviendrait le monde en cas d’orage électromagnétique accidentel ou d’une cyberattaque de grande envergure : chaque ouvrière errerait, affolée, dans tous les sens, à la vaine recherche d’un contact ou d’un appui. Ce scénario plausible concerne les services de tout genre, à savoir les assurances, les banques, les agences de voyages etc. avec l’appauvrissement intellectuel qu’un tel cloisonnage induit. Au plan positif, plusieurs aspects, ne serait-ce que le « ouf » de soulagement poussé par la nature qui connaît enfin un répit ! Les photos par satellites de la Chine ou d’ailleurs, témoignent de la dissipation des brouillards jaunâtres et corrosifs au dessus des grandes agglomérations comme Shanghai ou Los Angeles; à Venise, on ré-aperçoit le fond des canaux, après que les paquebots et les gondoles motorisées eussent marqué une pause, avec des poissons et des crustacés qui avaient, tant bien que mal, vivoté dans un milieu boueux. La municipalité, forte de ces expériences, va enfin limiter en le contingentant, le nombre des visiteurs, actuellement plus de 30 millions par année ! Ailleurs aussi, la faune reprend espoir et confiance, les bestioles de la forêt s’hasardant dans les parkings délaissés. A Athènes, on a même aperçu une tortue égarée qui arpentait la place de la Constitution,. On se rend compte que les limites de la mondialisation ont non seulement été atteintes, mais franchement dépassées. Les continents, les pays, devront revoir leur stratégie, moins jouer la carte mondiale et retrouver davantage d’autonomie. Un exemple mais combien éloquent : est-ce concevable que de grandes sociétés pharmaceutiques, y compris les nôtres, pour épargner quelques sous et accroître une marge déjà substantielle, dépendent entièrement de l’Inde ou de la Chine afin d’obtenir un composant de base ? Est-ce normal qu’on se soit habitué à consommer en plein hiver des fraises ou des asperges qui ont franchi des milliers de kilomètres à grand renfort de fuel , de Kérosène et de pollution aérienne et maritime, avant de nous parvenir, alors que dans nos campagnes, les silos sont pleins à ras bord de produits indigènes ? Au niveau des mœurs s’est opéré un profond changement. Avant longtemps, qui rêvera d’un séjour aux Maldives ou d’un week-end à Dubaï ou à Barcelone ? Nos concitoyens, libérés, vont retrouver des plaisirs plus simples : une balade au bord du lac, une excursion au Salève ou à Gruyère, ou une promenade avec son chien qui, entre parenthèses, a connu son heure de gloire pendant le confinement en tant qu’excuse officielle pour une sortie hors normes. La chaleur humaine renaît ; des gens s’évitent précautionneusement, mais se saluent, comme dans les montagnes. Des jeunes font des emplettes pour les ainés. On échange des trucs, des adresses, des blagues par WhatsApp ou on appelle des amis négligés depuis longtemps. Les entreprises pharmaceutiques cessent de se faire la guerre, coopèrent et échangent leurs découvertes. De grandes sociétés revoient temporairement leur production au profit d’articles devenus indispensables comme des masques ou des ventilateurs. Le gain n’est plus le seul objectif, mais est progressivement remplacé par le souci du bien commun. Les grandes banques renoncent à un profit immédiat et retrouvent leur rôle social d’antan en accordant plus facilement des crédits de secours et en se montrant accommodantes à l’égard de leurs anciens débiteurs, afin de sauver leurs entreprises en difficulté. Dans le monde des investissements aussi, on retrouvera plus de raison et de bon sens. Les constructions alambiquées, à grand renfort d’algorithmes et d’échafaudages brinquebalants vont céder le pas à des placements plus réfléchis. Rappelons qu’il y a quelques années, les investisseurs conservaient un titre pendant plus de 3 ans ; avec le développement des systèmes d’investissements automatisés, le temps de conservation s’est réduit à une moyenne de 3 secondes environ, à la grande joie des spéculateurs à la petite semaine. Et que dire du baril de pétrole qui au gré de spéculations irrationnelles s’est échangé le 20 avril à un prix négatif ? On est en plein délire. Ce temps-là est révolu et doit demeurer révolu. Revenons au bon sens en privilégiant des investissements dont on comprend le fonctionnement et la finalité, et supprimons ou limitons drastiquement les ventes à découvert qui pourrissent et défigurent les places boursières. Parmi les investissements privilégiés correspondant à ces critères, on peut parmi une foule d’autres, retenir les pistes suivantes : Nestlé, Novartis, Roche, l’Oréal, Essilor, Danone, Lonza, Hermès, Beiersdorf ou Adidas, entreprises reconnues, à faible endettement et aux produits aisément identifiables. Espérons qu’après ce cauchemar, tous les acteurs économiques, étatiques, mais aussi privés s’efforceront d’adhérer à de nouvelles donnes et que notre monde redémarrera sur des bases plus saines et pérennes.
Les cartes sont brassées. Commençons une nouvelle partie – Juin 2020
Alors que les épais nuages du COVID-19 commencent à se dissiper lentement tandis que des vaccins et des thérapies sont à la veille d’être mis à disposition du public, récompensant ainsi le gigantesque effort de guerre,