Jeu de cash-cache Mars 2019

Il y a environ 6 mois, nous avions consacré une chronique à la décision du gouvernement suédois de supprimer les transactions en cash y compris pour de menus achats comme le payement d’un café expresso ou d’un journal.

Nous étions arrivés à la conclusion que cette démarche s’adaptait à une population déjà ankylosée par un Etat providence, alors que le but en filigrane de l’exécutif consistait à mieux surveiller, voire assimiler par une persuasion financière contraignante, une population importante d’immigrés, plus ou moins hors contrôle et devenue majoritaire dans certaines agglomérations.

Suède et Suisse ont un certain nombre de points communs et il paraît intéressant d’observer l’éventuel degré de pénétration de l’aventure scandinave dans notre pays.

D’emblée, on constate qu’à l’écart de la digitalisation globale des moyens de payement, la Suisse reste férocement rattachée à l’argent liquide qui, contrairement à ce qui se passe autour de nous, regagne même du terrain depuis quelques années avec 70% des transactions. En moins de dix ans, à savoir jusqu’en 2017, billets et pièces ont progressé et représentent 11.4% du PIB soit un montant de plus de 76 milliards de francs. L’une des raisons invoquées pour abandonner les transactions en espèces, à savoir des délits économiques, ne se retrouve pas en Suisse, étant donné que ces derniers ont tendance à y régresser fortement.

Le maintien des pièces et billets est un aspect de la culture helvétique, à savoir la discrétion et la protection de la vie privée ainsi qu’une méfiance larvée à l’égard d’un interventionnisme exagéré des pouvoirs publics, à telle enseigne que les payements en cash auprès des offices postaux ont tendance à augmenter. En 2016, le Conseil fédéral a maintenu l’utilisation des billets de CHF 1’000.-(la plus grosse coupure en terme de valeur au niveau mondial) et la possibilité d’effectuer des payements en liquide à concurrence de CHF 100’000.–

Précédemment, l’évolution des taux d’intérêts vers zéro, même en dessous, encouragea la thésaurisation, surtout des billets de CHF 1’000.- dont le nombre avait doublé en une dizaine d’années. La crise de 2008 ainsi qu’une méfiance accrue à l’égard des établissements bancaires exacerbèrent le phénomène, les menaces de faillite de deux grandes banques ayant frappé les esprits et contribué à amplifier celui-ci.

Si au niveau strictement bancaire, la situation paraît s’apaiser, d’autres problèmes ont depuis surgi et gagnent en importance : le Brexit bien sûr, la crise italienne ainsi que les élucubrations d’outre Atlantique ne sont pas de nature à convaincre les épargnants de rejoindre les circuits économiques conventionnels.

Un problème latent cependant est annoncé : le début de l’échange en 2019 de ces fameuses coupures de CHF 1’000.- contre de nouvelles. Comment s’effectuera la transaction ? D’une façon anonyme : un ancien billet contre un nouveau ? À concurrence d’un certain montant (CHF 100’000.-) ?

Nul ne le sait, mais si d’aventure le gouvernement ou la BNS, agissant éventuellement de concert, voulaient profiter de l’occasion pour identifier les détenteurs, y-compris les non-résidents, grands thésauriseurs de ces coupures, afin de satisfaire aux exigences moralisatrices de partenaires étrangers, nous risquerions de violentes réactions ; nous en avons eu une démonstration il y a une dizaine de mois lorsque le gouvernement indien avait voulu subordonner l’échange de coupures à l’identification complète de l’épargnant.

Les intéressés ne s’y étaient pas trompés et avaient préféré abandonner la majeure partie de leurs créances contre l’Etat, avec la ferme volonté de ne plus se faire gruger, d’où l’envol des achats de pièces d’or anonymes. La valeur totale des billets de CHF 1’000.- quant à elle s’élevant à 47 milliards, l’échange s’avèrera bien plus complexe.

Espérons qu’il se déroulera dans le calme et la raison, mais le mutisme apparemment orchestré et un tantinet hypocrite des banques n’est pas de bon aloi.