un hacker contemporain en formation. Pour une histoire d’espionnage-broutille d’un congrès du parti démocrate grâce à quelques micros dissimulés dans la salle de réunion, Richard Nixon, brillant président, dut se résoudre à prendre la porte. Nixon avait pourtant des qualités de visionnaire lorsqu’il décida par exemple de nouer coûte que coûte des relations avec la Chine alors à la canopée de son expérience marxiste, mais il était désavantagé par son physique et une certaine vulgarité. Ses adversaires ne manquaient pas de le souligner par une boutade : « Achèteriez-vous une voiture d’occasion à un vendeur ayant cette tête ? » De surcroît, comme avocat, il se défendit mal, jouant un scénario après l’autre ce qui l’amena à se contredire lourdement.
Des décennies plus tard, il y eut l’affaire Clinton. Lui aussi était brillant (un des meilleurs étudiants dans l’histoire de l’Université de Georgetown) sympathique et cultivé. En tant que candidat, il était inattaquable. La famille Bush qui lui était foncièrement hostile pour des raisons politiques, mais aussi et surtout sociales, chercha et trouva la faille : son attirance marquée vers le sexe opposé. C’est ainsi que des histoires d’alcôve qui n’auraient pas mérité un entrefilet dans la presse européenne furent montées en épingle, avec une reprise partielle du scénario précédent, à savoir la défense maladroite d’un ancien avocat qui réussit cependant à s’en tirer de justesse et put achever son mandat.
Peu de temps après, le cours de l’histoire s’accéléra en continuant de se banaliser. Georges W.Bush se montra aussi, totalement dépassé le 11 septembre 2001, poursuivant sans broncher la visite d’une classe enfantine, au moment même où on lui annonçait que son pays était attaqué d’une façon inouïe. Là aussi, l’opinion publique, insidieusement mithridatisée, réagit mollement et ne sut freiner une intervention prétexte en Irak, précédée de violentes diatribes contre Saddam Hussein, certes un dictateur, mais dont le pays se portait relativement bien. On se souviendra avec un sentiment de gêne des pitoyables démonstrations de Colin Powell cherchant à convaincre le Congrès de la dangerosité chimique de deux ou trois poulaillers en bois égarés au milieu du désert. Cette volonté naïve et perverse tout à la fois, d’exporter tous azimuts la Démocratie américaine est une constante de la politique suivie par la plupart des présidents en dépit d’une multitude d’échecs retentissants. En 2005, Georges W. Bush, toujours lui, pataugea, sans mauvais jeu de mot, dans l’organisation des secours après le cyclone Katrina qui coûta la vie à près de 2’000 personnes et au pays plus de 100 milliards de dollars.
En Europe, il y a deux ans, à Paris, le Président Hollande jouait la version française de « Vacances romaines » en se rendant régulièrement en scooter chez sa maîtresse sans que cette nouvelle ne dépassât les satires des chansonniers ou la chronique du Canard Enchaîné !
La blague d’écoliers de Watergate devint risible avec l’avènement des nouvelles technologies et l’invraisemblable accumulation de fichiers auprès de serveurs réputés sérieux, mais qui furent impunément pillés. La faculté d’oubli du public est remarquable : qui se souvient du vol de 500 millions de données chez Yahoo, de 427 chez Myspace, de 145 au détriment d’EBay, sans parler, du cas le plus grave, 87 millions de données détournées en 2016 chez Facebook au bénéfice de Cambridge Analytica, récemment en faillite, et subséquemment, aux partisans du candidat républicain.
A la surprise générale, contre toute attente, ce dernier fut élu en dépit d’un déficit de voix. On changea alors totalement de paradigmes : il y a quelques années, le renvoi d’une personnalité proche du pouvoir entraînait un cataclysme dans les medias. Avec le nouvel élu, une quarantaine de conseillers fut éjectée en un peu plus d’une année sans ménagement ni scandale, en n’oubliant pas le népotisme systématique du nouveau président ou sa collusion marécageuse avec des instances russes, ainsi que les volte-face, l’abrogation de traités ou la remise en cause d’accords d’importance vitale.
Les plombiers du Watergate qui ont dû souvent purger de longues années de prison, ou leurs descendants, doivent constater avec amertume que notre monde a radicalement changé, à telle enseigne qu’il accepte dorénavant avec mansuétude, voire indifférence, n’importe quoi de n’importe qui.
L’indignation impavide – Mai 2018
Le 9 août 1974, après des mois de scandales, de commissions d’enquêtes, d’interventions multiples au Congrès, le Président Richard Nixon fut contraint de donner sa démission à la suite du scandale du Watergate dont les répercussions feraient mourir de rire