Experts ou ex-perds ?

Il y a quelques années, dans l’un de ses livres, Maurice Levy, Président de Publicis avait scandalisé nombre de bons esprits par une boutade : « Ne dites pas à ma mère que je suis dans la publicité, elle pense que je suis pianiste dans un bordel ».

En 2016, beaucoup d’experts, que ce soit en politique ou dans le domaine financier, devraient avoir aussi à cœur de voiler leur vrai métier.

Qu’il suffise de rappeler les prévisions relatives au Brexit ; rares sont ceux qui s’étaient hasardés à prévoir un succès du référendum ; après son acceptation surprise, les spécialistes anticipaient un effondrement de la bourse britannique ; elle s’envola, compensant largement la chute de la £sterling.

Qui aurait parié sur Trump il y a plus d’un an ? Virtuellement, personne, les bookmakers londoniens le donnaient perdant à un contre un million. Après son incompréhensible victoire, les financiers s’attendaient à un crash boursier ; que nenni, les marchés se sont fortement appréciés !

Plus près de nous, la désignation du candidat de la droite française pour l’élection présidentielle de mai prochain a entraîné la stupeur ; Juppé, opposé à Sarkozy, caracolait en bénéficiant de toutes les analyses politiques ; en deux semaines, sur la dernière ligne droite, contre toute attente, François Fillon a repris la tête du peloton et coiffé ses concurrents.

Le week-end dernier, dans le cadre de son référendum, Matteo Renzi n’avait certes guère le vent en poupe. Il a perdu largement à l’instar de son collègue d’antan, David Cameron. Ce rapprochement illustre d’ailleurs l’aveuglement des hommes politiques ; en rupture totale avec la réalité, animés par une forme d’outrecuidance, ils prennent le risque d’organiser des consultations populaires à l’issue douteuse. Dans le cas italien aussi, les experts concluaient à une chute de la bourse italienne, de profondes lézardes dans l’édifice européen et un envol du métal jaune ; rien de cela ne s’est produit.

Ces errements, ces analyses fausses ne sont cependant pas sans conséquence, en contribuant au désamour dont pâtissent les analystes, qu’ils soient financiers ou politiques.

L’homme de la rue est las des schémas éculés et se rabat sur son bon sens, ce qui n’est pas plus mal. Bien des échéances nous attendent en 2017 : de probables élections italiennes avec l’émergence possible d’un nouveau clown : Beppe Grillo, la France où Marine Le Pen a toutes les chances de se trouver au deuxième tour, face à un mouvement démocratique épars et enfin, et surtout, les premiers constats du règne de Monsieur Trump ; cela risque d’être folklorique et lourd de conséquences financières.

Doucement, sans faire de bruit, les regards se retournent vers la Suisse ; des Italiens des Français, des Britanniques sollicitent des permis de résidence ; le marché de l’immobilier sort de sa léthargie et s’anime avec un accroissement des transactions.

Hormis, très momentanément faible contre le dollar, notre monnaie se raffermit cependant par rapport aux autres devises.

La Suisse, attaquée, vilipendée, des années durant, à l’intérieur et à l’extérieur, reprend du poil de la bête, presque malgré elle, et grâce à ceux qui ont gardé foi en elle.

Qu’on s’en souvienne dans les investissements !