Grande année ou piquette ? – Février 2022

Finalement, le vocabulaire œnologique peut aisément s’appliquer à la bourse. En 2021, avec des gains de 15, 20, voire 25%, le cru peut sans autre être qualifié d’année exceptionnelle.

La question qui se pose est de savoir si cette qualité prévaudra aux prochaines vendanges de 2022. Janvier s’est terminé et on ne peut pas dire que ce mois laissera un souvenir de qualité. L’analyse mérite attention, car janvier est souvent interprété comme le programme à venir de toute l’année. Les analystes chevronnés et novices raffolent de ces raccourcis. Tout le monde a entendu parler du fameux « Sell in May and go away ». Or, les exercices passés ont souvent démenti ce type de proverbe ou de prédiction. En 2020 par exemple, les marchés se sont littéralement écroulés en mars avant de se redresser avec vigueur à la fin du printemps. Certaines fêtes religieuses sont aussi prétextes à la divination avec le même succès très relatif.

Depuis quelques semaines, on évoque un terme que l’on croyait oublié depuis près de 40 ans : l’inflation. Cette dernière est de sinistre mémoire pour ceux qui ont étudié les années 30, et de même, quoique dans une moindre mesure, pour les années 80. Un peu d’inflation pourtant n’est pas forcément de mauvais augure ; elle met de l’huile dans les prévisions économiques et, modérément, facilite le remboursement des dettes. Finalement, les pronostics d’inflation sont plus pernicieux que le phénomène en soi.

Depuis quelques jours, deux thèses s’affrontent : celle du Président de la Fed, Jérôme Powell, qui estime que le sursaut de l’inflation sera une longue histoire, s’opposant à Madame Christiane Lagarde qui pense qu’il ne s’agit que d’un phénomène de courte durée qui s’estompera de lui-même dès que le pétrole aura retrouvé des niveaux  normaux et que la pénurie de certains biens aura cessé. Nous serions plus enclins à adopter cette dernière version confortée par la bonne tenue de l’économie matérialisée par les résultats positifs des entreprises, de la baisse quasi générale du chômage étayée par de nouvelles embauches comme par exemple chez Airbus ou Alsthom. Quelle que soit l’intensité du phénomène, qu’il soit de courte durée ou qu’il ait tendance à perdurer, il est cependant néfaste pour une catégorie d’investisseurs, les partisans du cash ou d’une autre forme de ce dernier, les obligations, hormis peut-être celles à rendement variable qui restent peu achalandées. En revanche, l’actionnaire à moyen et long terme restera gagnant ; s’il fait dos rond comme on dit, il sortira vainqueur de ce méchant passage.

En préambule, nous avons évoqué ces proverbes éculés tendant à « réglementer et prévoir » les mouvements boursiers avec plus ou moins de réussite. L’un pourtant échappe à l’opprobre : « acheter au son des canons et vendre au son des clairons ». Les canons peuvent se travestir sous diverses formes, comme les débuts du Covid au printemps 2020 avec leurs conséquences déraisonnablement et très provisoirement désastreuses pour les marchés ; ces derniers s’en sont remis avec vigueur au cours des semaines suivantes. Nous ne sommes pas de ceux qui souhaitent absolument profiter du son du clairon en aliénant à tout-va; il parait préférable de rester sur les bas-côtés et attendre patiemment en encaissant ses dividendes ; puisqu’on parle de « canons » on ne peut s’empêcher d’évoquer l’Ukraine ; Or, M. Putin n’est pas suffisamment irréaliste pour dépasser le niveau des escarmouches. Il a certes toujours le souci de rétablir la grandeur de l’Empire russe en profitant de l’apparente indolence de M. Biden ; il sait cependant que la réaction américaine quoi que tardive, peut être foudroyante, l’histoire l’a prouvé. Et si escarmouches il y a, le dernier dicton cité pourra être appliqué. C’est certes cynique, mais réaliste. Rappelons à ce propos la synthèse faite en son temps, des réactions du client en cas de baisses, avec leurs conséquences : tout vendre : la pire des solutions ; ne rien faire : souvent très bonne ; profiter des cours dépréciés pour acheter : de loin, la meilleure. Conclusion : sans accident majeur et totalement imprévisible, 2022 devrait être une année dans la moyenne : un bon cru honnête.

Soit dit en passant : une des meilleures parades contre l’inflation est l’achat d’actions d’entreprises du luxe : du grand cognac au sac Birkin en passant par les carrés de soie, le prix importe peu et s’adapte sans difficulté.