Dans le cadre de nos parcours scolaires respectifs, nous avons tous eu l’occasion, alors que nous faisions partie d’un groupe bien intégré et homogène, de subir l’arrivée d’un nouveau venu, se distinguant d’emblée par son comportement hors-norme, sa difficulté d’assimilation, son souci de rester à part, tout en assénant des truismes dont il se rengorgeait.
L’intéressé faisait fi des conventions, des règles écrites ou occultes, limitant sa compagnie à quelques spécimens déjà marginalisés. Au fil du temps, nous comprenions progressivement qu’il avait connu une éducation particulière, mêlant tout à la fois un luxe ostentatoire et une absence de normes qui, normalement, forgent le tempérament en encourageant un communautarisme constructif, dont l’absence laisse libre cours à des impulsions névrotiques.
Ce gosse de riche, nous sommes contraints de le côtoyer à défaut de pouvoir l’accepter et l’intégrer. Ses interventions incessantes dans tous les domaines possibles, locaux et internationaux, sont devenues notre pain quotidien, car il se mêle de tout, à l’emporte-pièces. Les électeurs américains comprennent progressivement que ses prises de positions hétérogènes sont le fruit d’une longue préparation, une campagne électorale occulte qui a duré des années.
Il y a peu d’exemples récents où un dirigeant saurait déclamer de but en blanc vouloir intégrer un immense pays voisin, en le transformant en province, ou annexer un quasi-continent nordique dépendant d’une royauté européenne, sans parler d’un canal éloigné ou de la modification du nom d’un Golf !
Les gosses de riche ont souvent de mauvaises fréquentations où la servilité se mêle à la cupidité. Nous vivons les conséquences de ces amalgames dont nous sommes spectateurs, victimes d’une partie d’un gigantesque Monopoly, menée par le gosse de riche et l’un de ses partenaires du moment, qui rêve de reconstituer l’Empire qu’auraient pu connaitre ses aïeux.
Les autres membres de la classe sont parvenus à une affligeante évidence : ne plus pouvoir compter, en cas de nécessité, sur la force et les moyens du gosse de riche, et dès lors, devoir se contenter de leurs propres ressources, ce qui les conduit, et c’est heureux, à gommer leurs petites rivalités et faire front commun contre leurs adversaires, d’où qu’ils viennent.
Un excellent commentateur financier a retrouvé un ouvrage rédigé il y a une quarantaine d’années par le locataire actuel de la Maison blanche, conjointement avec un journaliste : « The art of the deal ». Il en a extrait deux ou trois paragraphes édifiants en ce sens que le gosse de riche cisèle depuis des décennies les mêmes convictions et surtout une façon de négocier empruntée aux transactions immobilières, déroutantes pour un novice, mais qui permet le déchiffrage de ses actions désordonnées.
Sur la flexibilité par exemple : « Je ne m’attache jamais trop à une affaire ou à une seule approche. Pour commencer, je garde plusieurs options ouvertes, car la plupart des accords finissent par tomber à l’eau, peu importe à quel point ils semblaient prometteurs au départ ».
Ou sur l’exagération : « la clef ultime de ma façon de promouvoir, c’est l’audace. Je joue sur les fantasmes des gens : tout le monde ne voit pas forcément les choses en grand, mais ils peuvent être fascinés par ceux qui le font. C’est pourquoi une petite exagération ne fait jamais de mal. Les gens veulent croire que quelque chose est le plus grand, le meilleur, le plus spectaculaire. J’appelle ça l’Hyperbole véridique. C’est une forme innocente d’exagération et une technique de promotion très efficace. »
Espérons que ces réminiscences nous permettront d’être moins interloqués ou commotionnés par les récentes prises de positions ou déclarations du trublion, encore que les annonces de nouvelles taxes nous laissent pantois, à l’égard de la Chine notamment.
Ce qui est surprenant, ce n’est pas seulement les niveaux faramineux des nouvelles charges, mais la méconnaissance du tissu économique : il n’y a plus de prés carrés, les économies mondiales sont enchevêtrées les unes par rapport aux autres. Les exemples de Tesla ou de Boeing en témoignent : près de 75% des composantes proviennent de l’étranger et supporteront des taux effarants, au détriment en premier lieu du consommateur américain dont le moins nanti doit déjà s’acquitter d’une tranche de 5%, en fait un cadeau, compensant la réduction d’impôts accordée à la cour des milliardaires.
Mais le roi Ubu est amateur de rebondissements à l’incidence suspecte : après avoir fait s’écraser les marchés boursiers, il tourne casaque quelques heures plus tard, en accordant un délai supplémentaire à la Communauté et d’autres nations, mais en renforçant les droits à l’égard de la Chine.
Cet amoncellement de nouvelles et de directives désordonnées donnent une impression de chaos que le monde financier n’apprécie guère ; il cherche à se couvrir par des valeurs sûres comme le franc suisse et l’or.
En ce qui concerne les investissements, il convient de se borner à des généralités, en évitant des secteurs comme la banque, la consommation cyclique et l’industrie et en privilégiant l’alimentation, les télécoms et la santé.