Il y a quelques semaines, le compte X (ex-Tweeter) de Yulia Navalnaya, la veuve de l’opposant russe, a été brusquement suspendu pendant quelques heures, puis rétabli sans explications.
Le nouveau propriétaire du média a beaucoup fait parler de lui cette année par des déclarations souvent déconcertantes: son utilisation régulière de drogues tendant, selon lui, à gommer les aspérités de son caractère irascible, ou encore son refus de s’acquitter de davantage d’impôts – en opposition avec la majorité des milliardaires américains enclins à l’accepter -, sous prétexte que l’économie ainsi réalisée serait mieux utilisée par lui que par le gouvernement, ce qui fut diversement interprété.
Récemment, le candidat présidentiel orangé a réintégré X, après en avoir été éjecté ; il semblerait d’ailleurs qu’il bénéficierait de l’appui du nouveau propriétaire, au demeurant assez versatile, mais avec lequel il devrait partager certaines conceptions déroutantes et l’encaissement de dividendes électoraux bienvenus.
L’aventure Tesla a été abondamment commentée et continue de l’être, ne serait-ce que récemment en raison de l’effondrement du cours de son action. Le nouveau concept de véhicule électrique était certes séduisant avec son équipement de caméras; des spécialistes prétendaient d’ailleurs que l’entreprise engrangeait plus de profits avec les batteries qu’avec les voitures elles-mêmes.
Au sujet des caméras, elles présentèrent d’incontestables avantages en cas de litiges dans des accrochages ou des priorités ignorées. Cependant, lorsque les conducteurs prirent conscience que leurs faits et gestes étaient transmis à des usines du groupe qui les analysaient avant de les archiver, il en résulta un certain malaise, à telle enseigne que cette consignation fut progressivement abolie, d’autant plus que le but du concepteur dans ce domaine est de parvenir à plus long terme à la conduite autonome des voitures ; de là à imaginer que l’usine puisse être un jour en mesure de privilégier tel ou tel trajet en fonction de critères hermétiques à définir, il n’y a qu’un pas qui rendit certains moroses et dubitatifs.
Lorsqu’on passe du récréatif au stratégique, le débat devient d’emblée plus sérieux Rappelons à ce propos que Starlink, fournisseur de SpaceX, a comme objectif de remplir notre ciel de pas moins de 40’000 satellites, chacun d’un poids de 300 kilos environ, d’ici quelques années (actuellement environ 5’000 sont opérationnels).
L’objectif d’origine était de rendre plus aisé l’accès à l’Internet ; jusque-là, rien de bien répréhensible hormis le fait de transformer notre horizon en une vaste déchèterie. La situation se gâte cependant lorsque le grand ordonnateur met ou ne met pas à disposition son installation au gré de ses humeurs ou de ses inclinaisons du moment ; on l’a constaté dans le conflit russo-ukrainien : en fonction d’une stratégie nébuleuse, SpaceX fut mis à disposition de l’une des parties, pour être bloqué de but en blanc sans explication autre qu’un belligérant ne devait pas prendre l’ascendant sur l’autre ; on a pu le constater lors de la contre-offensive ukrainienne qui aurait dû être un succès, mais qui fut paralysée pour la raison évoquée ci-dessus.
On frémit davantage avec la création de la start-up Neuralink, qui étudie la pose d’implants cérébraux de la taille d’une pièce de monnaie. Des résultats positifs ont été certes enregistrés au bénéfice partiel de personnes tétraplégiques ou privées de la vue. Sans vouloir remettre en cause la portée de la découverte, il faut bien admettre qu’on se trouve sur un terrain strictement médical, et qui devrait le demeurer, et non économique.
D’ailleurs, la nouvelle création « Optimus » annonce d’autres dérapages ; il s’agit de la conception de robots équipés de l’Intelligence artificielle. Assurément, les premières applications concernent des activités réputées dangereuses, mais la tentation est grande de les utiliser pour des tâches simplement répétitives avant de les étendre à des domaines qui nous sont plus proches.
Il y a un peu moins de trois ans, nous avions consacré une chronique à ce que nous considérions alors comme une anticipation lointaine : « Deviens archéologue, mon enfant ». Le rythme s’est emballé : Amazon, les grandes surfaces, de nouvelles usines vont s’empresser d’adopter Optimus avec comme résultante la suppression incommensurable de centaines de millions de postes, selon une étude de McKinsey.
Le concepteur de toutes ces innovations mêle une forme de génie de l’anticipation avec, en filigrane, une approche aux contours obscurs et effrayants. Toutes ces créations comportent en effet une approche de prime abord séduisante, cachant cependant un arrière-plan qui l’est moins : une volonté de domination, de mainmise par l’argent et la conviction.
On croirait avoir à faire à une nouvelle version de Dr Jekyll et M. Hyde. En l’occurrence, consciemment ou non, M. Hyde a tendance à prendre le dessus. Dans les domaines que nous venons brièvement d’évoquer, ce ripage est mortifère ; le nouveau M. Hyde est un farouche misanthrope qui n’a cure du bien-être de ses semblables, en s’efforçant inlassablement de leur substituer des machines dont il veut conserver le contrôle.
Nous devons tous en être conscients et considérer qu’en termes d’investissement, notre rayon d’action, ces (ses) nouvelles entreprises présentent un risque évident, d’autant plus que le génie est sans vergogne : il réclame des dizaines de milliards de dollars pour avoir contribué au succès de l’action Tesla, qui a quand même baissé des deux tiers en moins de deux ans !
Humant la direction du vent, il se rapproche du candidat républicain, à qui il promet une contribution mensuelle de plusieurs dizaines de millions de dollars. La création d’un poste sur mesure dans l’équipe de l’Orangé, en cas de victoire de celui-ci, serait même envisagée. Une discussion entre les deux compères a eu lieu le 12 août : lorsque le réchauffement climatique fut évoqué, le candidat, face à un interlocuteur impavide, souligna l’avantage de pouvoir posséder davantage de villas en bord de mer. Tout est dit !