Il serait fort surprenant que les détenteurs de la réponse se bousculassent au portillon. En revanche, les exégètes du marché américain pourraient éventuellement repérer et tracer un parallèle entre Thomas Gayner et Markel Group, un fonds qu’il a contribué à créer il y a une quarantaine d’années et qui connait un honorable succès, s’inspirant de la méthode et de la philosophie de W. Buffett, avec qui l’intéressé maintient des liens étroits.
Sur la durée, les deux fonds, bien que de capitalisations dissemblables, ont eu une évolution quasi-analogue. La concordance ne s’arrête pas là, en ce sens que M. Thomas Gayner a d’emblée été sensible à la didactique du sage d’Omaha et l’a mise en application sous une forme originale, en créant et maintenant une collaboration avec une poignée d’universités au sein desquelles il contribua à fonder des clubs d’investissements animés par des étudiants. Le principe de la coopération est des plus simples en apparence : chaque club reçoit annuellement une subvention de 30’000 dollars, mais une condition est requise ; cette somme doit être investie pour une durée de 25 ans sans possibilité d’aliénation en cours de route !
Ainsi que le mentionnait le philanthrope au cours d’une interview, la plupart des gens consacrent davantage de temps à une réflexion approfondie précédant un achat de voiture qu’à l’acquisition d’une action ; sur un coup de tête, un tuyau ou un entrefilet dans un journal. En l’occurrence, la recherche de l’entreprise sélectionnée comporte une batterie de paramètres : sera-t-elle encore en vie dans 25 ans ? Comment envisager les différents scenarii ? L’état de santé de tel ou tel pays dans des décennies ? Comment prévoir les mégatendances ? Le changement d’habitudes ? L’individualisme relatif que nous connaissons aurait-il cédé le pas à une forme collective ? Qu’en est-il du management ? On connait certes et apprécie l’actuel mais quelles seront les qualités du suivant ?
On en a eu la triste démonstration dans nos contrées avec l’évolution parfois perverse des qualités managériales, dans la banque par exemple. Pour les dirigeants de notre époque, le leader des années 90 parait appartenir à une autre planète, et pourtant !
À ce stade de la rubrique apparait une évidence, voire une garantie illustrée dans une précédente chronique : les atouts que recèlent les affaires de famille ; leur vision ne s’attache pas un bonus à court terme gagné à grand renfort de renvois ou de délocalisations, mais à la recherche de la pérennité et de la culture de l’entreprise ainsi qu’à la complémentarité des collaborateurs de tous âges qui la composent. Dans le même ordre d’idées, mais sur un plan strictement comptable, il faut accepter de laisser courir les gains et les pertes temporaires et chercher à extrapoler au-delà du prévisible.
Pour les étudiants animant le club, l’exercice est périlleux. De la vie active, ils ne connaissent que l’aspect livresque. Sur la durée, 4 ou 5 pépites seront découvertes avec à la clef, au terme des 25 ans, la liquidation de la moitié des positions, la répartition des gains sous forme de bourses et la poursuite de l’aventure pour le solde. L’expérience est valorisante pour l’ensemble des parties : pour les professionnels, bénéficier d’un regard neuf sur leur entreprise, et pour les étudiants, faire l’apprentissage de la durée et des vertus de la patience. Dans une prochaine chronique, nous mettrons en exergue les avantages de cette approche.