Les responsables des grandes entreprises américaines ont l’habitude de s’adresser régulièrement aux médias, sous une forme ou une autre, afin de livrer leurs pensées ou annoncer telle ou telle innovation. Le plus médiatique, presque mystique d’entre eux, fut incontestablement Steve Jobs, créateur de Pixar et d’Apple, dont l’entreprise dans l’imaginaire collectif supplanta IBM. Bill Gates, fondateur de Microsoft, consacre ostensiblement une majeure partie de son immense fortune à des buts charitables, alors que Mark Zuckerberg s’emploie à dépecer l’intimité de ses utilisateurs naïfs. Inutile de rappeler les aphorismes de l’inoxydable M. Warren Buffet, dont certains sont entrés dans la légende de l’histoire de la bourse.
Ces interventions, aussi diverses soient-elles, sont suivies hors des frontières américaines et s’inscrivent insensiblement dans la mouvance du « soft power » qui, à grand renfort de Coke, McDo, Iphone et autres gadgets, « yankeese » la planète. La question qu’on peut légitimement se poser est de savoir si cet engouement doit immanquablement englober les investissements ou au contraire, si on peut survivre, financièrement parlant, sans recourir aux placements outre-Atlantique.
Une comparaison attentive des divers secteurs d’activités et de leurs représentants aux Etats-Unis et en dehors de ceux-ci est révélatrice des atouts et des faiblesses de part et d’autre :
Tout le monde en Amérique déplore l’état médiocre des routes et des aéroports ; le secteur est largement dominé par les français Vinci et Bouygues, deux fois plus importants que leurs rivaux d’outre Atlantique. Logiquement, le secteur du ciment est dominé par le suisse Holcim et quelques indiens et chinois. Dans le domaine vital du transport de marchandises, les Américains sont inexistants, tandis que le suisse MSC parade en tête, devant des européens et des armateurs d’Extrême-Orient. Ils ne sont pas mieux placés en termes de production d’électricité, domaine largement aux mains des Européens, à l’instar de la production d’uranium où ils sont en queue de liste. Du côté de l’alimentation, Nestlé caracole en tête devant Mondelez et Hershey Company et il en va de même pour les boissons alcoolisées dominées par les Français, les Belges et les Britanniques, l’américain Constellation Brands occupant la huitième place.
Le domaine des soins de santé est plus hétérogène : les Johnson & Johnson, Ely Lilly et Merck occupent les places d’honneur, mais elles sont suivies de près par Roche, Novartis, Astra Zeneca, Novo Nordisk et Sanofi. Dans le secteur des pétrolières, les américains inscrivent au fronton deux compagnies, Exxon et Chevron, le solde se répartissant parmi les Hollandais, les Chinois et les Russes avec un nouveau venu dans la course, Saudi Aramco.
Achevons le chapitre par un feu d’artifice, celui du luxe, conduit par les françaises et les deux helvétiques, seule Estée Lauder parvenant à se glisser dans la sélection. Quant à l’horlogerie, elle est totalement dominée par les marques suisses.
Jusqu’à maintenant, les Européens ont mené la partie par trois sets à un ; qu’en est-il de la poursuite du match, où nous allons étudier un autre aspect de l’économie, celui de la technique pour schématiser, en débutant par un secteur qui nous est proche, celui de l’aéronautique commerciale, où Boeing et Airbus se talonnent en se souvenant que ce dernier vient d’emporter une énorme commande en provenance de l’Inde. Dans le domaine militaire, les USA sont bien entendu en tête quoique les français Safran et Thales soient souvent cités, surtout depuis le début de la guerre.
En ce qui concerne les constructeurs automobiles, les cartes sont bien réparties ; Tesla est certes en tête en raison des batteries, mais le peloton des suiveurs fait bonne figure avec Toyota, VW, GM et Stellantis. Quant aux modèles commerciaux, ils sont en majeure partie le fait des Européens, de même pour l’équipement automobile. A ce propos, au sujet des modèles mus à l’électricité, mentionnons que l’extraction du lithium ne sera bientôt plus l’apanage des seuls chinois, australiens et américains, mais de la française Imerys qui, dès 2028, sera en mesure d’équiper plus de 700’000 moteurs par année.
La 5G, dont on parle souvent, est en termes de brevets exclusivement originaire d’Extrême-Orient, avec une exception, la suédoise Ericsson ; idem pour les téléphones portables et les ordinateurs. En matière d’électronique grand public, la palme revient incontestablement aux Etats-Unis grâce à Apple, Microsoft, Amazon et Alphabet, le solde revenant à l’Extrême-Orient. Dans le domaine de l’Intelligence artificielle, le constat est sans appel avec la même équipe de l’électronique, mais la France offre des pépites vigoureuses avec Dassault-System et Sopra-Stevia, moins connue mais qui emploie quand même plus de 50’000 personnes.
Terminons par la fabrication des semi-conducteurs avec à sa tête TSMC, la gloire de Taiwan avec son épée de Damoclès, suivie par nombre d’Américains, mais aussi par la gigantesque hollandaise ASML, leader dans nombre de domaines.
En conclusion de cet aperçu, il ressort que celui qui est intéressé par le marché d’outre-Atlantique devrait se concentrer sur la technologie, à savoir Apple, Microsoft, Alphabet et Nvidia, les autres pans de l’économie étant largement représentés en Europe, dont la Suisse.