Nous nous acheminons tranquillement vers la fin du premier semestre, le moment de faire le point sur la situation des marchés ; en Europe, l’indice français CAC vient en tête, dépassant le DAX allemand et représentant plus de deux fois la performance de notre SMI helvétique. L’évolution hors norme de la bourse de Paris est grandement due à la performance exceptionnelle du luxe avec ses composantes traditionnelles : Hermès, Dior, LVMH ou l’Oréal pour n’en citer que quelques-unes, le mouvement corroborant notre politique d’investissement favorisant le secteur, parallèlement à l’alimentation au sens large et aux pharmaceutiques.
Un segment du luxe retient l’attention, celui des parfums ; c’est un domaine à part avec ses règles, ses coutumes, voire ses secrets, que le commun n’appréhende guère. La conception d’un arôme nécessite bien entendu l’intervention minutieuse d’un nez en mesure de déceler une originalité, une combinaison parmi des centaines d’échantillons.
Même le contenant, à savoir le flacon, pose problème : sa taille, sa matière, son bouchon, même l’embout plastique qui fixe ce dernier. Cela semble futile, mais pour un parfum de luxe, le bruit du rebouchage est important : il doit être sourd comme la fermeture de la portière d’une voiture de prestige et non métallique comme celle d’un véhicule bas de gamme.
La diffusion de la senteur obéit, elle aussi, à ses codes, en principe un mètre autour de la personne, ce qui explique la raison pour laquelle les premiers parfums américains exportés vers l’Europe semblaient si agressifs ; ils avaient été conçus pour des locaux équipés de puissants airs conditionnés, ce qui n’était de loin pas le cas sur notre continent.
La fixation du prix obéit à ses règles propres. On ne se contente pas de l’addition de la valeur comptable de toutes les étapes – matières premières, conditionnement, marketing etc. – mais on compte à rebours si l’on peut dire : on examine les prix des concurrents existants d’après leur spécificité (gammes moyenne, luxe ou grand luxe) et, en fonction du choix, on fixe le prix.
Le marketing est également vital : le fameux « Poison » de Dior est sorti en 1985, quarante-huit heures avant un concurrent, promis à un grand succès et qui termina sa brève carrière dans des cartons.
Cette énumération des problèmes de conception d’un parfum est bien incomplète. Dans le domaine du luxe, la mode par exemple, la création d’une ou de plusieurs senteurs fut souvent un parcours rude, parfois stérile, faute de compétence et d’expérience dans un domaine par définition complexe.
Hasard ou fulgurante prémonition, en 1982, deux talentueux entrepreneurs, Philipe Bénacin et Jean Madar se lancèrent dans la création d’Interparfums, spécialisée dans la création, la fabrication et la commercialisation de parfums sous licence, enlevant une épine du pied de dizaines autres spécialistes de la mode qui avaient été tentés par l’aventure.
En 1993, leur société signa un contrat avec la marque Burberry, représentant 50% du chiffre d’affaires du groupe. L’accord dura une vingtaine d’années, le partenaire britannique ayant décidé de se rapprocher du Japonais Shiseido. Ultérieurement, les accords de licence d’exploitation avec d’autres marques furent signés à une cadence effrénée : Boucheron, Coach, Jimmy Choo, Karl Lagerfelt, Lanvin, Moncler, Montblanc, Rochas, Van Cleef etc.
Les exportations concernent plus de 120 pays : 40% en Amérique du Nord, 16% en Europe. 14% en Asie, le solde parmi les autres régions du monde avec une croissance accentuée au Moyen-Orient. Les données financières sont au diapason, en termes de chiffre d’affaires ou de résultat d’exploitation qui a triplé de 2020 à 2022.
Paradoxalement, le titre est peu connu du grand public alors que son évolution boursière est hors norme : en 5 ans, sa progression de près de 200% se rapproche de celle de LVMH. De surcroit, la société distribue chaque année une action gratuite pour dix (normalement en juin), tout en maintenant son dividende. Conclusion : un investissement dont il ne faut jamais se séparer. En hommage à Mariano P.