L’agression brutale de la Russie contre l’Ukraine a jeté une lumière crue et impitoyable sur les failles structurelles des pays occidentaux.
Dans une précédente chronique, nous avions émis des doutes sur la pérennité intangible de la mondialisation qui présuppose, pour assurer un fonctionnement parfait, une entente harmonieuse au sein de la communauté internationale ; nous en sommes bien loin, chaque jour le prouve.
Au cours du printemps 2022, nous avons rapidement compris que nous dépendions de plusieurs pays de l’Est, particulièrement de la Russie dans les domaines énergétiques, ceux du gaz et du pétrole, et alimentaires, le blé notamment. Quelle que soit la durée du conflit, la confiance est rompue ; nous devons donner un coup d’accélérateur au changement ainsi qu’à l’innovation, en reconnaissant que nous abordons une ère totalement nouvelle, une forme de repli sur soi et cela pour longtemps.
Si nous voulons retrouver notre indépendance alimentaire, il convient de relancer l’agriculture, par des aides financières certes, mais aussi par des appuis que d’aucuns qualifieront d’écologiques, pour l’eau notamment en la préservant et en l’apurant ; en matière d’investissements corrélés, on retiendra les noms de Veolia et d’American Water Works, Caterpillar ou Deere parmi une myriade d’entreprises mondiales.
Le secteur de la construction a aussi ressenti les effets de la guerre se traduisant par une hausse sensible des matières premières, avec pour conséquence le recours accru au 3D pour l’édification plus économique des bâtiments ; un robot relié à un ordinateur capable de « lire » les plans est en mesure de construire une villa en 3-4 jours pour un coût de 4 à 5’000 euros. En Amérique du Sud, des quartiers entiers ont pu être édifiés de cette manière. Nombre d’entreprises américaines se spécialisent dans ce concept, développé en Europe par la française Dassault Systems.
Les soucis liés à l’approvisionnement en hydrocarbures ont accéléré l’utilisation de l’hydrogène vert ; une grande entreprise comme Easy Jet a d’ores et déjà annoncé que d’ici 3 ans environ, l’ensemble de sa flotte utilisera uniquement cette source énergétique, à l’instar des gigantesques convois routiers qui traversent déjà depuis deux ans environ les Etats-Unis. A Air liquide, maintes fois citée dans ces colonnes, s’ajoutent les noms de Linde, Technip ou Air Products.
Le secteur des semi-conducteurs dont la rareté s’est cruellement fait ressentir dans le conflit, à telle enseigne qu’on a trouvé des éléments récupérés d’armoires frigorifiques dans les missiles russes, fait beaucoup parler de lui, surtout depuis les achats massifs du Taiwanais TSMC par Warren BUFFETT. Il est intéressant de noter que contrairement à son approche décennale, l’investisseur n’a conservé que quelques semaines cette position avant de l’aliéner soudainement. Il est fort à parier que M. Buffett a pris conscience a posteriori du risque politique de son achat dans le contexte mondial et décidé de s’en séparer ; ces péripéties n’entachent en rien la légitimité de détenir une position dans cette sphère d’activité, en se rabattant plus opportunément vers les néerlandaises ASML ou BE Semiconductor.
Parmi les autres secteurs propulsés brusquement sur le devant la scène, on retiendra parmi les terres dites rares, le Lithium, apparemment de moins en moins rare plus le temps passe, et celui des batteries dites éternelles ; parmi les fabricants de ces dernières, il y a une multitude d’entreprises petites et moyennes : celle qu’on évoque le plus fréquemment est l’américaine Quantum Scape.
Autre sujet devenu à la mode, l’Intelligence artificielle que ceux qui ont traversé l’Atlantique par avion ont déjà expérimenté à leur insu, l’intervention du pilote ne dépassant pas une dizaine de minutes, le reste du voyage étant automatisé. Parmi les entreprises concernées, on relève les noms d’IBM et d’Automatic Data, et en Europe, un nom peu connu, Sopra Steria qui emploie quand même près de 50’000 personnes.
Bien entendu, les entreprises évoquées visent essentiellement à illustrer les commentaires relatifs à notre nouvelle ère et ne constituent pas de recommandations formelles.
Nous ne saurions clôturer cette chronique sans évoquer rapidement le désarroi bancaire. Depuis des décennies, nous nous sommes abstenus d’acquérir des titres de banques suisses et étrangères pour nos clients et les faits nous ont malheureusement donné raison ; pourtant, la reprise laborieuse du Crédit Suisse ne nous laisse pas indifférents. Il s’agit d’un établissement créé en 1867 qui a puissamment contribué à édifier la Suisse moderne, en finançant entre autres, l’industrie et les chemins de fer. Banque prestigieuse, elle succomba comme maintes autres au « FOMO » des années 2’000 et suivantes, en cherchant à s’américaniser, quitte à y perdre son âme à force de vouloir se « déshelvétiser ». Les banquiers de cœur et de tradition firent place à des mercenaires de haut vol. On connait les résultats. Coïncidence ou pas qui doit réjouir l’énigmatique Satoshi Nakamoto, l’ « inventeur » du Bitcoin, destiné selon lui à remplacer un système bancaire et financier devenu obsolète, la crypto retrouve les faveurs du public à l’image de ses multiples consœurs moins connues.