A chaque début d’année, les haruspices chroniqueurs se lancent dans l’interprétation des entrailles financières afin de pressentir les mouvements des douze mois à venir. L’exercice fut particulièrement vain en 2022 pour les raisons que nous connaissons maintenant tous : « l’opération spéciale en Ukraine » qui se mua rapidement en une guerre, longue, sanglante et terriblement destructrice, avec des conséquences financières lourdes entrainant une flambée de l’énergie, puis de l’inflation avec son corollaire habituel, l’envol des taux d’intérêts.
Toutes les conditions étaient donc réunies pour que l’horizon nous parût encombré de lourds nuages. En examinant toutefois avec attention ces derniers, on commence d’y distinguer de minces rayons positifs.
Prenons l’exemple du prix du baril de pétrole : à quelques cents près, il se trouve au même niveau qu’il y a une année. Le blé devenu un des symboles de l’Ukraine, avec toutes les restrictions, menaces et embargos qui y sont liés, se négocie sur les marchés internationaux à 40% de moins qu’en mars 2022. Même le gaz, baromètre de nos angoisses hivernales, a vu le prix de son mégawatheure littéralement s’effondrer entre août de l’année dernière, de plus de 300 Euros à un peu plus que 70. Grâce à un hiver clément, à la surprenante discipline des particuliers et de nombre d’entreprises ainsi qu’au changement de stratégie quai-instantanée des gouvernements occidentaux, la facture de l’énergie s’est contractée un peu partout. Des appréhensions légitimes se sont progressivement estompées et même la France qui laissait paraitre une certaine panique initiale, exporte de l’énergie.
Et l’inflation dans tout ça ? Elle se rapetisse tout doucement, à l’image des taux d’intérêts ; elle ne se maintient à un haut niveau que dans quelques petits pays comme la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie ou encore la Hongrie ; elle a passablement érodé le pouvoir d’achat de l’Euro et du US dollar ; le franc suisse, quant à lui, grâce à un renchérissement réduit, tire son épingle du jeu et offre les meilleures perspectives dans le concert international.
La Chine, devenue un acteur incontournable de l’économie, sort des limbes du Covid en modifiant radicalement sa politique de santé, autorisant ses ressortissants à voyager, avec ponctuellement des contrôles de principe à l’accueil, mais donnant un coup de fouet au commerce, surtout de luxe tant dans le pays lui-même que dans les comptoirs étrangers. A ce propos, on est abasourdis par la publication des résultats des entreprises de luxe (récemment Interparfums) qui évoluent dans leur monde à part, insensible aux aléas mondiaux.
Demeure la question de la guerre d’Ukraine qu’on appelle enfin par son nom. Objectivement, d’après les experts stratégiques, elle est d’ores et déjà perdue par la Russie dont le leader proscrit et de plus en plus énervé, fait valser ses généraux sans grand succès, à contresens des hordes mercenaires, en ressentant une hostilité croissante de la part des élites du pays. Acceptera-t-il une défaite ? C’est peu probable. Le Président Macron vilipendé par ses pairs à cet égard avait probablement raison de lui prévoir une sortie pas trop déshonorante ; en fait, c’est le résultat qui compte, à savoir la fin des massacres, des déportations et de la destruction systématique d’un pays magnifique. Le recours à l’arme atomique parait improbable compte tenu des paliers décisionnels à franchir par le locataire du Kremlin. En revanche, endommager par exemple, gravement la centrale de Zaporijia, occupée par les troupes russes mais contrôlée par les Ukrainiens, sans qu’on puisse clairement définir ultérieurement la responsabilité de dangereuses fuites radioactives, fait malheureusement partie du possible.
Pour l’heure, les marchés jouent la carte de l’apaisement et de la prise en compte des résultats en progrès de la plupart des entreprises. Alors ? Si vis pacem para bellum ou Business as usual ? Deux options, pas forcément contradictoires !