De Brics et de Broc – Septembre 2023

L’Occident, et c’est parfaitement légitime, a les yeux rivés...

L’Occident, et c’est parfaitement légitime, a les yeux rivés sur la guerre en Ukraine et les efforts héroïques de ses habitants pour repousser l’agresseur qui, graduellement, comprend de moins en moins le rôle que le Kremlin le contraint à assumer alors que parallèlement il joue la séduction alimentaire et militaire avec les pays africains.

Cette polarisation de l’attention ne doit pas nous distraire de ce qui s’est passé récemment dans le reste du monde et en particulier de la réunion des BRICS à Johannesburg.

Afin de mieux cibler le débat, rappelons que les membres actuels, à savoir le Brésil, l’Inde, la Chine, la Russie et l’Afrique du Sud représentent 27% des terres immergées et déjà 42% de la population mondiale. En tenant compte de la quarantaine de candidats qui souhaitent s’associer dont l’Argentine, l’Indonésie, l’Iran, le Mexique, le Nigéria, l’Arabie Saoudite ou la Turquie (la liste n’est pas exhaustive), on comprend rapidement que l’axe de la Terre a modifié son angle et qu’un Occident vieillissant éprouvera de plus en plus de difficulté à défendre ses positions, ne serait-ce qu’en raison d’un déséquilibre démographique croissant.

En avril dernier s’est produit un événement majeur peu évoqué dans les médias : le PIB des BRICS a dépassé pour la première fois celui des membres du G7, signifiant que les nouveaux venus produisent davantage que le monde d’avant, qu’ils sont faiblement endettés et ont accumulé plus de richesses que les pays occidentaux. Même le système de payement Swift qui règne sur le monde entier est concurrencé par des alternatives russe, chinoise et même iranienne. Les Russes commencent à vendre du gaz en roubles alors que les Chinois veulent utiliser leurs yuans pour acheter du pétrole ; 65% du commerce entre ces deux pays s’effectue déjà dans leurs monnaies nationales. L’une des principales raisons de l’engouement des candidats à rejoindre les BRICS réside dans l’accès aux financements de la New Development Bank, institution créée en 2014 et qui tend à concurrencer le FMI.

Évoquant la réunion à proprement parler, elle s’est déroulée dans une ambiance surréaliste, avec un participant majeur, V. Poutine, qui n’a pas voulu prendre le risque d’effectuer le déplacement et s’est fait remplacer, un leader chinois remarqué par sa pugnacité, un représentant indien en extase après le succès de sa fusée lunaire, contrastant avec l’échec retentissant du modèle russe, écrasé sur notre satellite et, en apothéose, l’élimination brutale de Prigojine.

À quelques heures de la clôture de la réunion, on a noté que 6 candidats ont franchi les fourches des BRICS : l’Iran, l’Argentine, l’Egypte, l’Ethiopie, l’Arabie Saoudite et les Emirat arabes unis. Après ces intégrations, on ne peut pas dire que la majorité des membres soient d’ardents défenseurs des droits de l’Homme, mais cet aspect n’est pas l’essentiel de cette chronique ; en revanche en termes de densité de populations et de ressources naturelles, force est d’admettre que l’axe de la Terre s’est déplacé ; avec les nouveaux membres, les BRICS détiennent désormais plus d’un tiers des réserves pétrolières mondiales.

On le constate déjà dans l’appréhension de la guerre d’Ukraine ; l’agressé a amèrement compris que c’est du Nord que lui parviendrait une aide stable due à l’expérience qu’ont et qu’ont eue avec l’Ours, les pays comme les Baltes, la Finlande, la Norvège, la Suède et d’autres. Dans la partie sud du Monde, le conflit parait lointain, une sorte d’affaire interne européenne qui leur chaut peu. M. Poutine, par vidéo-conférence, a très bien travesti le message en se faisant passer pour un agressé de longue date, victime de l’empire du Mal que représenterait l’Occident et ses perversités.

Ne nous leurrons pas ; trop de soi-disant alliances de l’Occident, fondées sur l’opportunité, n’ont guère survécu à la montée des intransigeances et des fanatismes de tout bord. Il est dès lors vital de revoir notre horizon politique et économique. Le choix est vite fait : un seul pays, presque un continent par son étendue et la densité de sa population, mérite le qualificatif de partenaire privilégié : l’Inde. Souvent anglophones, les Indiens offrent des particularités, leurs qualités managériales et leur aisance dans l’assimilation des nouvelles technologies. Plus d’une dizaine d’entreprises mondiales, y-compris en Suisse, sont déjà dirigées par des personnalités originaires de ce pays. Une étude a même tracé un parallèle entre la caste et la carrière ; il semblerait que la caste des Brahmanes, orientée sur la réflexion et le spirituel, fût une grande pourvoyeuse de chercheurs dans les nouvelles sciences.

L’Inde s’est toujours distinguée par une stratégie conciliante entre les deux mondes, une sorte d’interlocuteur naturel aux points de vue équilibrés. Il n’est dès lors pas déraisonnable de consacrer quelques pourcents d’un portefeuille à une position indienne, dans une vision à moyen et long terme. L’accès au marché boursier local s’avérant administrativement complexe, il est suggéré de recourir exceptionnellement à des fonds d’investissements dont deux retiennent l’attention en raison de leur qualité : Pictet Indian Equities et Robeco Indian Equities, les deux libellés en US dollars. 

À propos du dollar précisément, des commentateurs plus ou moins inspirés ont abondamment glosé au cours des semaines précédant la réunion de Johannesburg, en annonçant son remplacement, une dédollarisation (Tiens ! un nouveau néologisme !), un recours massif aux crypto monnaies, sans omettre une réhabilitation massive de l’or, au nom d’un soi-disant plan machiavélique de M. J. Biden. Pendant ce temps-là, la guerre s’enlise et le clivage du monde s’accentue, d’où l’intérêt de revoir les alliances.