La mort de l’âne (13.07.2016)

Un avare se lamentait : « Après tout le temps et les efforts qu’il m’a fallu pour que mon âne s’habitue à ne plus manger, ne voilà-t-il pas qu’il est mort ce matin ! » Les séjours en Grèce laissent toujours un sentiment contrasté. Les bords de mer, la beauté de cette dernière sont uniques, sans parler des superbes vestiges antiques, tandis que les autres possibilités de séjour autour de la Méditerranée se sont progressivement estompées, essentiellement pour des raisons politico-religieuses. La vie s’y déroule agréablement et les nuits enchanteresses ne sont troublées parfois que par les braillements de quelques Brexités avinés. Dès que l’on quitte les rivages ou les sites, on ne peut s’empêcher de se remémorer la triste anecdote du préambule. Autour des villes encore achalandées, ce ne sont en effet que les lugubres cohortes des magasins vides, d’usines abandonnées, d’immeubles commerciaux vacants ou de parkings délaissés à l’exception de quelques voitures rouillées. L’alimentation résiste encore, surtout les cafeterias où les jeunes chômeurs finissent de dépenser les dernières économies de leurs grands-parents. Et pendant ce temps-là, les candides experts de la Troïka, dans leur costume gris anthracite à la Wall-Street, poursuivent leur Kriegspiel et prodiguent des conseils d’économies insensées à des politiciens extasiés et inexpérimentés. Ceci n’est pas sans rappeler l’ex-Yougoslavie, où les participants occidentaux au conflit se fichaient pas mal des populations civiles, et se réjouissaient de pouvoir expérimenter leurs nouvelles technologies guerrières. Quand donc se trouvera-t-il quelqu’un qui ait la lucidité de rappeler que la fameuse dette grecque n’est pas un trou noir né de nulle part, que des entreprises françaises, allemandes, britanniques, américaines, pour n’en citer que quelques-unes, y ont massivement contribué en vendant leur marchandise au pays, que des banques internationales ont fait leurs choux gras dans ces opérations ou encore que Madame Merkel que tout le monde vénère, a sacrifié la pauvre Grèce sur l’autel américain en s’opposant farouchement aux euro-bonds qui auraient supplanté les Treasury-bonds et Bills et réglé tous les problèmes européens ? Enfin, il y a près de 100 pays, et non des moindres, qui ont fait défaut et s’en sont remis, parfois aux dépens de banques cupides. Dès lors, en lieu et place de traîner ce boulet métastasique dont beaucoup d’établissements profitent encore, il serait préférable, soit d’effacer purement et simplement la dette, soit de lui substituer une sorte de War-loan perpétuel à un taux symbolique. Sans ces mesures radicales, la Grèce, comme l’âne, va mourir exsangue et aura en attendant perdu ses leaders, sa force et son envie de travail, sa capacité d’innovation et le peu de capital qui subsiste. Les experts en costume gris foncé pourraient alors rentrer chez eux, évitant les jets de tomates, voire de pierres qui les menacent lorsqu’ils jaillissent des taxis pour s’engouffrer dans leurs hôtels !