La fourmi nordique (29.07.2016)

La baisse catastrophique du pétrole qui, en quelques années, a passé de virtuellement US dollars 150.- le baril à près de 20.- avant de remonter aux alentours des 50, a provoqué un traumatisme auprès des producteurs.

Le temps des coupoles dorées à la feuille, des collections d’Aston Martin ou de Lamborghini, la construction de stades et d’autoroutes pharaoniques ou de tours de Babel, appartient au passé, à telle enseigne que des producteurs ont dû puiser dans leurs réserves, ne serait-ce que pour couvrir un déficit abyssal, établi à l’aune des entrées colossales des temps passés.

Un producteur a pourtant échappé au marasme : la Norvège. Fidèle à une tradition luthérienne austère, voire frugale, le pays n’a pas succombé à l’irrationnel dépensier, lorsque ses gigantesques réserves d’énergie furent découvertes. Nous en avions eu la preuve lors des jeux olympiques d’hiver de Lillehammer dont on se souvient de la sobriété efficace.

Les gouvernements successifs se sont au contraire employés à développer des infrastructures au profit de la population, sous forme d’écoles, d’universités ou d’hôpitaux, à telle enseigne que n’importe quel Norvégien peut trouver des soins efficaces à moins d’une heure de son domicile et s’y rendre en hélicoptère en cas d’urgence. Les nouvelles universités ont rapidement gagné en réputation et, dans le cadre d’Erasmus, sont souvent fréquentées par des étudiants étrangers qui s’attachent d’ailleurs fréquemment au pays et n’envisagent plus de le quitter. La vie y est sereine, rassurante (parfois trop) et les habitants ont les besoins de bourgeois moyens ; un petit appartement, une bicoque en pleine nature, une vieille Saab pour y accéder, et un bateau pour la pêche. Soucieux du bien-être de sa jeunesse et conscient de la mélancolie oppressante qui pourrait se dégager de la longue nuit polaire, le gouvernement organise depuis quelques années, d’octobre à avril des stages en Italie pour les collégiens.

Cette frugalité relative a permis aux Norvégiens de créer un fonds souverain dont la fortune s’élève actuellement à plus de 900 milliards d’Euros ; elle augmentera au cours des prochaines décennies et permettra ainsi au pays d’envisager l’après-pétrole lointain sans sacrifices douloureux, alors que beaucoup d’autres producteurs auront retrouvé leurs dunes ou jungles d’origine.

Le seul vrai danger que court la Norvège est de tendre une oreille parfois trop complaisante à des extrémismes qu’il soit d’extrême-droite ou de nature salafiste et porter ainsi un coup fatal à une diversité ethnique ancestrale qui a puissamment contribué à son succès, mais qui envisage maintenant d’émigrer.