Les faux prétextes (01.09.2016)

Il ne se passe guère de mois, voire de semaine, sans qu’une publication, spécialisée ou non, consacre un article à la « triste situation » de la Suisse, en raison du franc fort, des prix en général, soi-disant beaucoup plus élevés que dans les pays qui nous entourent, en évoquant la vétusté de certaines installations, l’absence de chaleur dans l’accueil ou le manque de distractions dans les stations etc.

Cette vue par trop simpliste mérite qu’on s’y attarde. D’abord, la question des prix : hormis les taxis, plus chers qu’à l’étranger, c’est exact (ils pourraient d’ailleurs bénéficier de subsides au niveau de l’achat des véhicules et du prix de l’essence), à qualité et prestations égales, les prix suisses ne sont pas plus onéreux qu’à l’étranger. Si l’on regarde les tarifs d’hôtels pratiqués en dehors de nos frontières, dans les villes d’une certaine importance, ils sont équivalents, voire nettement supérieurs aux nôtres. Il en est de même pour les restaurants. Quel prix doit-on payer à Lyon, Paris, Milan ou Londres pour la gamme moyenne à supérieure ? Quant aux articles divers, nous avons comme partout, Hermès, Vuitton ou Prada, mais aussi Zara ou Hennes & Moritz.

Il y a une inclination à être pleurnichard chez nos concitoyens. D’abord, la situation n’est pas si mirobolante que ça dans d’autres pays où les commerces se plaignent aussi, à la fois d’une fréquentation en baisse, et d’une retenue des visiteurs à consommer.

Au niveau des entreprises, beaucoup de suisses et non des moindres comme Givaudan, Ems Chemie , Roche ou Novartis enregistrent d’ailleurs, en dépit du franc fort, des résultats plus qu’honorables et singulièrement supérieurs à leurs consœurs étrangères.

Le problème suisse, et il existe, trouve son origine ailleurs, plus précisément dans le manque de clairvoyance d’un ministre des finances, ébloui par les ors de la République ou le verbe agile d’anciens étudiants de l’ENA, qui a signé n’importe quoi, avec n’importe qui, sans contrepartie, ouvrant ainsi une boîte de Pandore béante, avant de retrouver son canton, berceau de loups et d’ours, qu’elle n’aurait jamais dû quitté(s), ce qui n’est pas sans rappeler ces films où l’on voit des forbans dévaster une région avant de regagner leurs montagnes.

Les banques suisses servaient des myriades de clients français, italiens, espagnols, allemands qui maintenaient depuis des décennies, des portefeuilles de quelques centaines de milliers de francs. Une ou deux fois par an, ils rendaient visite à leur banquier afin de prélever les revenus ou le produit des plus-values qu’ils dépensaient au cours de leur séjour.

Ces malheureux ont été menacés, intimidés, chassés, sans ménagement, souvent en quelques semaines. Ecœurés, ils sont partis en gardant un souvenir amer de la Suisse, non sans avoir tenté de brader leur appartement ou leur chalet. Peut-on imaginer qu’ils y reviendront comme si de rien n’était ? Nenni !

Dès lors, que faire ? Courir derrière des Chinois qui non seulement ne sont guère amènes, mais qui de surcroît voyagent avec des budgets limés ?

Heureusement que le peuple suisse est souvent plus raisonnable que ses dirigeants ! Il y a peu, il a confirmé son accord au maintien des forfaits fiscaux. Là, il y une place à prendre et à renforcer. Et qu’on ne vienne pas nous parler de justice fiscale : Le Portugal accorde des conditions inouïes aux étrangers, alors que Londres, libérée du carcan de la Communauté, va abattre toutes ses cartes afin d’attirer de riches résidents, sans parler des USA ou des Emirats.

En dehors du climat de sécurité (toujours fragile !), le forfait fiscal est l’une de nos dernières cartouches. L’Etat devrait s’atteler à cette campagne de séduction, avec l’appui des banques qui auraient enfin l’occasion de se racheter, ainsi que des études d’avocats spécialisées qui pourraient entreprendre des round shows en Europe, à l’instar de leurs confrères étrangers qui, dans le passé, ne se sont guère gênés pour parcourir et démarcher les principales villes suisses.