En attendant un air de printemps… – Mars 2020

L’année 2020 sur le plan boursier débuta sur les chapeaux de roues, dans la foulée de l’année précédente.

Mais ce bel élan fut stoppé net par un ennemi auquel on ne s’attendait guère : non pas l’inversion de la courbe d’intérêts ni l’effondrement du Baltic Dry Index, mais par le coronavirus provoqué possiblement par l’ingestion, sous forme de soupes, d’animaux exotiques, y compris le malheureux pangolin en voie d’extinction; il débuta en Chine avant de s’étendre progressivement dans la région et plus loin encore au gré des voyages aériens.

Le constat qui en découle est en demi-teinte : au passif, le risque potentiel que représentent de nouveaux virus, jusqu’ici non identifiés, et qui systémiquement semblent trouver leur source en Extrême-Orient et, à l’opposé : positif, la réaction rapide des pays concernés : la France par exemple avec l’ouverture instantanée de centres de quarantaine et, du côté chinois, l’incroyable performance que représente la construction d’un grand hôpital en moins de deux semaines, exploit contrebalançant la chute des marchés d’actions locales exacerbée par l’accumulation d’ordres de ventes en raison de la longue pause de fin d’année ; cette réaction a bien entendu gagné les autres places boursières qui ont connu de violents soubresauts avec en tête de liste le compartiment du luxe.

Il faut cependant garder en mémoire que ces écarts marqués sont dans la ligne de ceux de l’année précédente. Nous vivons à une époque où pour toutes sortes de raisons, notamment politiques ou psychologiques, les places boursières peuvent s’enflammer ou se replier en quelques heures ; autant nous y habituer et conserver notre sérénité, car ce sera notre lot commun dans l’avenir.

Parmi les autres nouvelles pré-printanières, il y a bien entendu le Brexit où les déclarations et les commentaires vont bon train, souvent en vain. Ce qui compte c’est l’homogénéisation du peuple britannique après une campagne traumatisante ; à cet égard, il ne faut pas sous-estimer sa capacité de résistance et de sursaut, l’histoire l’a maintes fois prouvé ; cette qualité est infiniment plus importante que tous les discours triomphants, un tantinet obscènes, ou au contraire résignés, ou encore les projets d’accords avec les uns et les autres.

L’Anglais est pragmatique et opportuniste, il supportait mal le carcan législatif européen. Le premier ministre l’a d’ailleurs rapidement annoncé ; il souhaite que son pays redevienne efficient et se mue en une sorte de Singapour du continent en annonçant déjà qu’il signait un accord avec Huawei au grand dam des cousins américains, adversaires acharnés du fabricant chinois, et qui cherchent à prendre une participation dans Nokia et Sony-Ericsson. Rappelons en outre à ce propos que le London Stock Exchange est déjà la principale place boursière mondiale ; son gain (FTSE 100) en 5 ans est le triple de l’indice européen (Stoxx 50). les banques locales brimées depuis des décennies, mais fortes d’une tradition centenaire, devraient retrouver leur lustre d’antan. En fait, on avait sous-estimé, même ignoré, le goût viscéral d’insularité du Royaume-Uni, paradoxalement conforté en son temps par des visions impériales, réduites depuis à la portion congrue, mais qui ont laissé des ferments encore actifs.

Au passage, mentionnons l’épiphénomène de Tesla et de son animateur fantasque. Condamnée à la faillite, vilipendée par les banques qui l’avaient recommandée à la vente en urgence, la valeur reprend près de 100% en quelques semaines à la suite de l’accroissement de production des modèles électriques moins volumineux, et l’annonce du lancement d’une myriade de petits satellites qui devraient contribuer à accélérer les télécommunications.

On attendait beaucoup des primaires de l’IOWA avec la désignation sans ambiguïté d’un candidat démocrate suffisamment fort pour contrer l’actuel président. Avec le système quasi moyenâgeux du caucus, en regard duquel nos Landsgemeinde ont des allures de vote électronique, il s’ensuivit un lamentable cafouillage et des retards sans fin qui réjouirent le locataire de la Maison blanche, échappant entretemps comme attendu à la procédure d’impeachment, avant qu’il ne se lance peu après dans un discours panégyrique sur l’Etat de la Nation, tourné en ridicule par la leader démocrate, Madame Nancy Pelosi. Peu avant, un candidat démocrate avait fini par surgir : Pete Battigieg, maire d’une modeste localité et quasi inconnu au plan national. Dans l’Ohio, le challenger Bloomberg patauge dans des débats mieux maitrisés par Sanders qui en sort vainqueur. En Suisse, la maladresse des barbouzes du Crédit Suisse se termine par le départ précipité du directeur général, Monsieur Tidjan Thiam qui fondamentalement n’avait jamais été accepté par le Bahnhofstrasse.

Fin février, le Coronavirus s’occidentalise, se mue en Covid-19, et gagne imperceptiblement l’Europe, en particulier l’Italie. Les décomptes macabres des media au sujet des personnes décédées ne manquent pas et tournent au déraisonnable. Il suffit de mettre en parallèle les quelques décès sur notre continent avec le chiffre des 3’700 morts quotidiens par accidents de la route, au niveau mondial où aux victimes de la grippe ordinaire aux USA, qui dépassent déjà 14’000 et pourraient atteindre plus de 50’000 en fin de saison, sans oublier que sur les quelque 80’000 victimes du virus, plus de 40% sont déjà guéries. En revanche, là où l’industrie pharmaceutique parfois myope, devrait être en alerte, c’est lorsqu’on lui rappelle que par recherche d’un gain facile, elle a accepté que 80% des composantes de base de beaucoup de ses médicaments génériques soient élaborés en Chine. Comme habitude, les bourses réagissent d’une façon exagérée à laquelle les spéculateurs à la baisse, y compris les stars de la finance, ne sont certes pas absents ; on estime que les marchés américains ont fondu de 1’700 milliards de dollars.

Sur le fond pourtant, la situation mérite deux commentaires ; d’une part, les pays ont entrepris de gros efforts pour contrer la pandémie et d’autre part, la recherche scientifique est tant diversifiée et qualifiée qu’elle trouvera bientôt soit un vaccin soit un remède efficace pour traiter la majeure part des malades, en recourant même peut-être à d’anciens remèdes utilisés pour d’autres affections.

Certes, pour l’investisseur, la route est chaotique ces jours-ci. Ce n’est pas la première fois, peu s’en faut (2008 n’est pas si ancien) ; les marchés retrouveront leur sérénité, il suffit d’une étincelle pour que les « bears » se convertissent en « bulls ». Il y a déjà des lueurs réconfortantes dans l’obscurité qui nous oppresse : des usines chinoises rouvrent, la majorité des boutiques Hermès dans le pays sont à nouveau opérationnelles. Il faut savoir courber l’échine, surtout ne pas succomber à la panique, et se souvenir que les dividendes (plus de 3% de rendement pour de grandes valeurs helvétiques) sont là pour nous aider à passer les temps d’orages.